Promouvoir le cœur battant de nos Alpes
Croire en l'industrie alpine (2/3). Sous l'angle des imaginaires, on essaie de replacer l'industrie alpine au centre de nos narrations territoriales.
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mon livre Les Alpes du futur sur le site des Editions inverse.
🇨🇭 Samedi 14 septembre, j'étais dans les Grisons, à Roveredo, pour participer à un merveilleux moment : la Fête nationale des Patriciats. Grâce au généreux accueil d’Aurelio Troger, Gianpiero Raveglia et Decio Cavallini, je suis intervenu sur le thème suivant : Les patriciats alpins : gardiens du passé, architectes du futur.
En un mot, c'était merveilleux ! La preuve par l'existant que l'histoire alpine est le pilier le plus solide de notre futur en montagne. Grâce à Alessandro Tini, la Fête m'a donné l'occasion aussi de faire deux belles interviews, l'une à la télévision (https://lnkd.in/eTeQtnwH), l'autre à la radio (https://lnkd.in/e2kChBxB).
Dans les Alpes suisses, notamment dans les Grisons et le Valais, la gouvernance locale est administrée par de deux institutions : les communes politiques qui gèrent la vie quotidienne, et les communes bourgeoises, ou patriciats, qui se consacrent à la gestion des biens communs (eaux, forêts, alpages).
Les patriciats, composés d'habitants de longue date, sont des institutions séculaires profondément ancrées dans les territoires. Bien gouvernées, elles seront les architectes de nombreux territoires alpins.
🇨🇭🇫🇷 Pour les promouvoir, de beaux projets sont en marche. On en reparle bientôt!
SEVERIN DUC
auteur de
Les Alpes du Futur, Editions inverse, 2024.
docteur en histoire & chercheur associé (Sorbonne Université).
expert du changement et de son accompagnement dans les Alpes.
mon
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écrivez-moi :
severin.duc@backfuture.fr
1/11. Au début du mois de septembre, j’avais ouvert un tableau en deux parties consacré à l'industrie alpine. Sous l'angle de la bonne communication, pérenne et fière d’elle-même, je proposais de réfléchir aux nouveaux imaginaires alpins à tisser autour de l’industrie alpine.
Aujourd’hui, je vous propose d’ouvrir le second volet de “Croire en l’industrie alpine”. J’essaie de comprendre pourquoi l’industrie n’est pas au centre de nos narrations territoriales puis… d’imaginer quelques solutions.
Pour commencer, je vous proposerai une comparaison avec le secteur touristique. Puis, j’essaierai de voir la place que l’industrie peut occuper (et doit vouloir occuper) dans les Alpes de demain.
Commençons par un paradoxe.
2/11. Pourquoi l’industrie alpine est inaudible auprès du public alors qu’elle lui délivre des services de haute qualité ? Inversement, pourquoi le tourisme alpin, notamment le ski, est hyper-présent dans l’imaginaire collectif ?
Pour répondre à ces deux questions, commençons par évaluer quantitativement le problème.
Intérêt des internautes pour Alpes tourisme et Alpes industrie (France, 2020-2024)
Intérêt des internautes pour Alpes ski et Alpes industrie (en France, 2004-2024)
3/11. Moyennant ces deux graphiques, l’absence de l’industrie et la saisonnalité des recherches “tourisme” et “ski” sautent aux yeux. Quand on pense aux Alpes, le produit d’appel de la montagne touristique est immanquablement la saison d’hiver.
Nos territoires alpins sont parvenus à créer un objet de désir et un produit récurrent. Que demander de plus ?
Par contraste, ce qui m’interroge et m’attriste, c’est le vide intersidéral de la thématique “Alpes + industrie”. Selon moi, l’enjeu n’est pas simplement une question de réputation mais de volontarisme politique. Les gens ne voient que ce qu’on leur montre.
C’est pourquoi réfléchir à la saturation de l’objet “tourisme” dans les imaginaires peut nous aider à y comprendre l’absence de l’objet “industrie”.
4/11. Concrètement, les offices de promotion des territoires alpins sont de puissants portes-voix des acteurs touristiques, en particulier de la saison hivernale.
Dans l’ensemble de l’Arc alpin, on a créé des “offices du tourisme” auxquels on a réservé le quasi monopole de la narration territoriale. Or, la “partie” (le secteur touristique) ne saurait-être le porte-parole subventionné du “tout” (le territoire). C’est tentant mais dangereux si la “partie” est challengée par le dérèglement climatique.
5/11. En attirant et concentrant la lumière médiatique sur leurs produits touristiques, les territoires alpins ont construit un prisme déformant puis l’ont offert à la sphère médiatique (qui aime les idées simples). Aujourd’hui, c’est à travers le produit touristique que la majorité des élus et des journalistes de la plaine connaissent et comprennent les Alpes.
Ainsi, les dossiers de presse, les visites tout frais payés aux journalistes, les campagnes dans le métro, la présence proche ou lointaine de l’Hémicycle etc.
6/11. Cela fonctionnait en temps normal. Or, le dérèglement climatique change la donne. Désormais, la sphère médiatique et les débats de société (sans d’ailleurs trouver de solutions politiques à la hauteur) se sont fixés sur une approche écologisante et moralisante des actions humaines. En bref, on est parfois face à des curés portant chasuble verte.
Situé à l’avant-poste du dérèglement climatique, l’écosystème du ski est l’objet d’un traitement médiatique obsessionnel (“y’aura d’la neige ou y’aura pas d’la neige ?”) et prend cartouche sur cartouche (JO, canons à neiges, retenues collinaires, etc). Quand on sait qu’une partie des responsables de la filière se braquent, l’affaire est dans le sac. Toutefois, en montagne, les choses bougent plus vite qu’on ne le croit.
7/11. Révéré hier, le ski est désormais dans la tourmente. Passionnellement consacré à son auto-promotion, ce secteur a oublié que son exposition est à double tranchant. La bonne réputation peut se transformer en infamie dès lors qu’on vit de l’air du temps et que… cet air change.
Relever les défis futurs de nos Alpes en se bornant à repenser le tourisme d’altitude, c’est une chimère qu’on vend à soi et aux urbains (élus ou journalistes) qui ne connaissent la montagne qu’à travers leur semaine de ski annuelle. L’enjeu n’est pas d’étoffer l’offre touristique mais de diversifier le tissu économique de nos Alpes (et de le défendre pied à pied quand il existe).
8/11. Pour soutenir une politique industrielle ambitieuse, existe-il des “offices de l’industrie” comme il existe des “offices du tourisme” ?
Disons les choses simplement. Les territoires alpins doivent apprendre à attirer, avec la même constance et la même passion, des touristes et une main d’œuvre industrielle qualifiée, saison après saison, année après année. Autrement dit, apprenons aussi à attirer de futurs citoyens alpins, et plus seulement des portefeuilles hebdomadaires.
Soyons ambitieux.
9/11. La rente du tourisme hivernal doit servir à financer la robustesse économique des territoires alpins. C’est sa mission des années à venir. Il faudra être ambitieux comme nos aînés sont passés de l’agriculture… au tourisme. Pensons en visionnaires et non en gestionnaires d’un modèle économique bâti et pensé il y a 70 ans.
La rente du tourisme (hivernal) commencera à être une malédiction si elle est entièrement réinvestie dans le tourisme. Pratiquement, cela signifie baisser un peu la voilure des investissements touristiques et s’impliquer financièrement dans des activités, des entreprises et des projets non touristiques.
La rente du tourisme (hivernal) est l’outil providentiel des territoires de montagne pour s’impliquer financièrement dans le tissu industriel des vallées.
10/11. Dans un environnement alpin de plus en plus illisible pour le tourisme, l’industrie est appelée à occuper naturellement une place de choix dans les équilibres économiques et sociaux des Alpes. Il est donc crucial de faire comprendre aux habitants des Alpes que l’industrie est indispensable à la qualité de leur futur.
Mais comment faire ? Le temps est venu de mettre en narration l’industrie alpine, avec honnêteté et transparence, mais aussi passion et ambition. Le temps est venu d’occuper à nouveau l’imaginaire collectif des Alpins et des Alpines.
11/11. J’ai envie de dire ceci à l’industrie alpine :
Rends-toi incontournable dans les esprits comme tu l’es déjà dans les faits. Imagine des solutions concrètes pour remettre l’industrie alpine au centre des imaginaires. Unis-toi et communique régulièrement, à l’échelle d’un district, d’une vallée, d’un canton, d’une région. Comme le fait si bien le tourisme, fais-toi connaître, et toi, et ta passion, et ton cœur de métier et tes productions auprès du grand public. Ouvre tes portes, fais venir des élus, des journalistes, des habitants à l’année, des classes et des touristes dans tes installations. Explique-leur ton formidable ancrage historique dans nos territoires alpins. Et surtout, dis-leur, avec la lumière dans les yeux, combien tu es une des clés des Alpes du futur.
Reprends la place qui te revient dans nos imaginaires. On n’attend plus que toi.
Vont loin et haut celles et ceux qui croient en la justesse de leur cause. Si les Alpes sont notre cause, si y vivre signifie les rendre plus vivables et mieux habitables, on doit oser imaginer une conciliation intelligente entre héritage alpin et solutions d’avenir.
Et là, toute stratégie alpine d’avenir devra faire une place à l’industrie et déployer une communication ambitieuse à son endroit. Dès aujourd’hui, apprendre à parler avec passion de l’industrie alpine est une cause qui mérite qu’on se relève les manches.
En attendant, portez-vous bien.
Séverin Duc
auteur de Les Alpes du Futur, Editions inverse, 2024.
docteur en histoire & chercheur associé (Sorbonne Université).
expert du changement et de son accompagnement dans les Alpes.
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