2024 : osons la voie royale
Au soir de cette année 2023, nous sommes nombreux à nous réjouir de cette neige tombée sur les Alpes. Espérons qu'elle annonce une année 2024 riche en solutions. Voici l'agenda de Back/Future :)
A l’orée des vacances de Noël, je vous propose de parler un peu de la neige et du ski (car ils sont dans tous les esprits), puis d’élargir le spectre à des enjeux plus larges (car à ne penser qu’à la neige et au ski, on perd de l’influx pour penser la montagne dans son ensemble).
Cet article est aussi une manière d’annoncer l’agenda 2024 de Back/Future, et de vous souhaiter, un peu en avance, d’excellentes fêtes de fin d’année.
1/7. Depuis janvier 2023, nous avons souvent interrogé les effets territoriaux, économiques et sociaux du trio historique “hiver+neige+ski”. Dans le même temps, on a voulu montrer que les Alpes ne se résumaient pas, et de loin, à cette triade magique.
Tout d’abord, cette activité lucrative ne concerne qu’une part minoritaire des Alpes, fussent-elles parmi les plus riches.
Ensuite, là même où se déploie le tourisme hivernal, bien des richesses sont à offrir, par-delà les pistes rouges. On en reparlera longuement :-)
Enfin, historiquement, un petit siècle d’activités ne peut rivaliser avec l’épaisseur culturelle de territoires millénaires.
2/7. Une fois qu’on a dit cela, on peut sortir de l’équation suivante : “Alpes + Futur = ski ou pas ski ?” Binaire, cette formule résonne pourtant souvent dans les Alpes et au-delà. En fait, elle sonne comme une erreur stratégique tant elle risque de déboucher sur le clivage/blocage “fin du ski vs tout ski”.
Certes, ne pas penser à l’après, c’est un suicide territorial, mais depuis quand demande-t-on à un territoire de démanteler ses structures de production ? On se croirait revenu au bon temps des colonies. Personne ne demande à l’Île-de-France de renoncer à ses data-centers énergivores, il me semble.
3/7. D’une certaine façon, les dés sont pipés.
Nous vivons dans une société d’individus où chacun a besoin de responsables pour faire oublier ses propres compromissions. Il est alors savoureux de faire rejouer aux Alpins la même scène tant de fois vécue : ce sont des crétins jamais en phase avec leur temps.
Au XIX siècle, les montagnes supposées “archaïques” ont été sommées de se moderniser et de se mécaniser. Au siècle suivant, de manière un peu bravache et assez intéressée, elles sont allées jusqu’à sur-équiper certains lieux.
Aujourd’hui, voici les montagnes trop modernes, pas assez sobres, pas en phase avec la réalité, bref c’est la scène du crétin des Alpes qui est rejouée en contrebas. Elle est d’autant plus facilement rejouable qu’en-haut, la sur-modernité est devenue un marqueur d’identité, voire un signe de reconnaissance.
4/7. Sans nul doute, le temps est venu de bâtir des imaginaires et des solutions à soi, en phase avec le temps long des Alpes, les défis d’aujourd’hui et de demain, et surtout avec les aspirations des populations locales.
Le temps est donc venu d’ouvrir des chemins particuliers, propres aux mondes de la montagne, pour ne plus être à la remorque des solutions plaquées sur les Alpes comme ça, sans adaptation, à grands coups de concepts.
Sans effort d’acclimatation ni consensus local, les meilleures solutions venues d’ailleurs n’auront aucune prise sur le réel des montagnes.
5/7. En 2024, pour élargir le spectre des solutions, je vais commencer par une série qui me tient à coeur, tant elle est cruciale : les Alpes du futur et la Tech. Il s’agira de faire le point sur cet enjeu et de mieux le situer afin d’évacuer la question du “technosolutionnisme” (Non, la Tech ne nous sauvera pas des ravages du climat !).
Puis, il s’agira de réfléchir à ce qui est possible de faire, de manière intelligente et constructive. En somme, quelles sont les initiatives technologiques qui rendront nos territoires de montagne plus robustes ?
Enfin, je souhaiterai montrer qu’en terme de technologie, les Alpes ont bien des choses à revendre. Ici et là, les nombreuses expériences et les innovations multiples qui s’y font jour pourraient en faire un laboratoire de l’adaptation intelligente au dérèglement climatique.
6/7. Le thème de la technologie dans les Alpes est une façon d’entrer dans le vif des… imaginaires alpins. Autant les Alpes sont des territoires très sensibles à la technologie (et parfois s’identifient étroitement à la notion de “progrès”), autant elles accordent un strapontin à la culture.
Disons les choses crûment, et sans nul doute de manière schématique, le développement culturel a-t-il vraiment bénéficié des formidables ressources accumulées au XXe siècle ? Pourquoi préfère-t-on encore percer des tunnels plutôt que de bâtir des bibliothèques ? Inversement, pourquoi et comment certains territoires de montagne sont parvenus à s’emparer des leviers de la culture, donc du discours sur eux-mêmes ?
Dès lors qu’on ne tient pas les rênes de sa culture, dès lors que la création se fait ailleurs, on ne peut qu’être soumis aux idées et aux créations des autres. A la fin, la note est salée. Selon moi, c’est une des grandes plus vulnérabilités des Alpes que de voir ses imaginaires leur échapper.
7/7. Si mes termes semblent un peu durs, c’est que ma propre expérience se corrèle à un pressentiment : aura-t-on les reins solides pour affronter collectivement les défis à venir ? Ici, je ne parle pas de capacité de réaction (dont je ne doute pas), mais de projets ambitieux de territoire (pour lesquels je me pose parfois des questions).
Par exemple, lors des étés caniculaires, où les habitants des villes invivables iront-ils se rafraîchir ? Où seront-ils incités à migrer temporairement ? A moyen ou long terme, les Alpes seront-elles contraintes de devenir des refuges climatiques ?
“Pure spéculation !” me direz-vous, mais les Alpes du futur, c’est aussi cela : imaginer, réfléchir et écrire pour désamorcer les angoisses sourdes et ouvrir à un futur désirable.
Au terme de cet article, je me rends compte d’avoir un peu schématisé l’opposition montagnes/villes, sachant qu’une bonne partie des populations alpines vivent… dans des villes.
Cependant, on le sait bien, faire marcher ensemble des villes, des vallées, des moyennes et des hautes montagnes, c’est tout un programme !
En 2024, comme en 2023, Back/Future proposera de prendre sa part.
En attendant, portez-vous bien.
Séverin Duc
Analyser, conseiller, communiquer dans les Alpes
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Contact : severin.duc@backfuture.fr
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