Leçons d'Ukraine (1/3). Les Empires contre-attaquent
Laissant derrière elle Bagdad et Kaboul, l'hégémonie US retrouve un second souffle en Ukraine grâce à son meilleur ennemi, l'Empire russe. Ce retour de l'histoire mérite qu'on s'y intéresse.
Début juillet 2022, la pluie tombe à verse sur Stockholm. En perdition, je me réfugie dans une galerie commerciale (au nom imprononçable, surtout quand on a les pieds mouillés). Après un café Espresso (long comme un Americano), je me dirige vers la librairie dudit lieu. Mon regard est attiré par une revue colorée au fond de la boutique. Une fois dépassés les souvenirs et les peluches d’élans, je parviens devant le rayon « Internationell Press ». Je m’empare du numéro 101-3 de Foreign Affairs: The World After the War.
1/6. The Price of Hegemony. Can America Learn to Use Its Power? claironne le premier article. À l’image de son auteur, Robert Kagan, le texte ne fait pas dans l’implicite. De la page 10 à 19, nous suivons la plume et la pensée d’un Senior Fellow de la Brookings Institution, le plus puissant think-tank américain. Sans surprise, le CV de Kagan est orné de tous les attributs du néo-conservatisme.
Voilà un de ces Américains convaincus de la nécessité d’un ordre mondial sous la gouverne des USA. Après ses heures fastes (la présidence de George W. Bush, 2000-2008), l’idée s’est ensablée dans le désert irakien, puis embourbée dans les montagnes afghanes. En revanche, depuis février 2022, le conflit ukrainien replace l’Empire américain sur le devant de la scène, dans sa forme la plus militarisée.
Il convient d’y réfléchir calmement, par-delà la bruit et la fureur.
2/6. Pour qualifier la puissance américaine, R. Kagan recourt au terme de “U.S. Global Hegemony”. La définition qu’il en donne est fascinante. L’hégémonie américaine serait un empire sans le dire car… il ne faut surtout pas le dire. Car la notion d’empire fleure trop l’expansionnisme.
L’hégémonie américaine, c’est bien autre chose. C’est un ordre juste garantissant les libertés des peuples autour du globe. S’il existe un Empire, c’est celui des Russes, lesquels refusent l’ordre mondial et nient les libertés des peuples.
Dans ce cadre, il est tout naturel que Washington se porte au secours de Kiev et… étende son hégémonie là où elle est nécessaire.