Les Alpes suisses (2/5). Originalités locales et communauté de destin
Valorisées pour leur esthétique, les Alpes suisses sont, avant toute chose, riches d'une géographie particulière et vivantes de leurs populations. Hâtons-nous de les découvrir !
L’article précédent, Les Alpes suisses (1/5). Les connaître vraiment, par-delà les apparence est déjà disponible en podcast, au Format K7 !
Place aujourd’hui au deuxième article de notre série. Notez une chose, mon site a fait peau-neuve, et la lecture y est plus aisée que sur sa boîte mail.
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1/6. Dans les Alpes suisses, on peut distinguer cinq régions principales. Sans vouloir gommer les identités des lieux et des vallées, chacune possède des traits physiques généraux. Il s’en dégage même une certaine personnalité géographique que l’histoire et la politique ont souvent suivi.
Par souci de clarté, les reliefs les plus “simples” seront abordés in primis (les Alpes valaisannes, l’Oberland bernois et les Alpes tessinoises). Ensuite, j’aborderai les plus “complexes” (la Suisse centrale et les Grisons).
Par souci d’illustration, je me suis efforcé de lier les lieux à leur page dédiée sur Wikipédia ou Myswitzerland.com. Par-delà la mise en scène touristique, ce dernier site livre des photos et des notices de premier choix.
J’ajoute que cet article doit se lire très tranquillement, en une ou plusieurs fois, toujours carte sous les yeux (elles sont nombreuses, à dessein). Il ne faut pas hésiter à suivre du doigt le cours des vallées, les monter et les redescendre.
C’est en suivant l’écoulement des eaux qu’on désamorce la complexité des Alpes. Vouloir comprendre une montagne sans connaître le sens de la pente, c’est comme ignorer les marées en pays breton.
2/6. Commençons par un cas d’école (de montagne) : les Alpes valaisannes. Immédiatement, on remarque la puissance d’organisation du Rhône. Avant de se jeter dans le lac Léman puis de continuer son cours jusqu’à la Méditerranée, le fleuve prend sa source en Haut-Valais, dans le glacier du… Rhône, au pied des cols de la Furka et du Grimsel.
En partie canalisé, le fleuve est bordé par un chapelet de villes : Brigue (au débouché des col et tunnel du Simplon), Sierre (au pied de Crans-Montana), Sion (chef-lieu de canton), Martigny (sur la route du Grand Saint-Bernard) et Monthey (qui ouvre le Valais au Léman).
De part et d’autre du Rhône, les vallées perpendiculaires sont nombreuses. Elles sont riches en sites de renom : citons celles de Bagnes (Verbier), d’Hérens (Hérémence), d’Anniviers (Zinal) et de Saas ainsi que le glacier d’Aletsch (le plus long d’Europe).
A la frontière italienne, on repère le point culminant de la Suisse : la Pointe Dufour (4634m). De réputation, on reconnaît la station de Zermatt (1620m), au pied du Cervin/Matterhorn (4478m). Enfin, dans le coude du Rhône, on aperçoit l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune fondée en… 515.
3/6. On souffle un petit peu, et hop, on franchit les limites-nord du Valais ! Chemin faisant, on bascule dans l’Oberland bernois. Ici pas de fleuve structurant, mais une barrière rectiligne qui regarde l’Europe du Nord.
Récompensées par de précipitations abondantes, les petites vallées de l’Oberland bernois nourrissent deux lacs de renom : le Thunersee et le Brienzersee. Ils sont séparés par Interlaken, la bien-nommée.
L’Oberland bernois, c’est aussi un trio de sommets iconiques : l’Eiger et sa face nord calcaire, friable, brutale (3974m), le Mönch (4105m) et la Jungfrau (4166m). Deux haut-lieux de l’alpinisme et du ski les admirent : Grindelwald et Wengen.
Vers l’ouest, on retrouve les stations d’Adelboden et de Gstaad. Hors de la juridiction bernoise, dans les Préalpes vaudoises et fribourgeoises, voici le bien-nommé “Pays d’Enhaut” et l’immanquable ville de Gruyères.
A ce stade, vous l’aurez remarqué, Valais et Oberland offrent au regard la verticalité alpine par excellence, laquelle est toujours tempérée par des vallées secondaires. Là, se nichent les villages et les stations. En contre-bas, les lacs s’en donnent à cœur-joie.
4/6. Faisons marche au sud, vers les confins méridionaux de la Confédération. Nous sommes dans les Alpes tessinoises (ou lépontines). Côme, l’italienne, est juste-là ; 50 km plus au sud, c’est Milan ; au-delà, c’est déjà la Méditerranée.
Ladite “Svizzera italiana” est l’héritage médiéval de guerres d’une rare violence. Opposant les Suisses au duc de Milan, les Expéditions au sud des Alpes ont donné naissance aux “bailliages italiens” puis au canton du Tessin en 1803.
Vues du ciel, les Alpes tessinoises forment un grand entonnoir de rivières qui plongent vers le sud et érodent des masses de plus en plus calcaires. Ces cours d’eau abreuvent les lacs italo-suisses (notamment le lac Majeur). Sur leurs rives, on retrouve les belles Locarno, Lugano et Ascona.
Région suisse qui parle italien, les Alpes tessinoises sont traversées par un axe d’importance européenne : le tunnel du Saint-Gothard. Long de 57 km, il connecte la Lombardie à la Suisse centrale et, plus généralement, l’Europe du Sud à celle du Nord.
5/6. A ce stade, nous avons déjà visité les Alpes valaisannes, l’Oberland bernois et les Alpes tessinnoises. Entrons à présent dans les Alpes centrales. Tout en demeurant tourmentées, leurs montagnes ne dépassent plus les 4000 mètres.
Commençons au sud par les Alpes uranaises (de Uri, le canton). Outre le fameux Titlis (3238m, presque accessible en téléphérique), on peut retenir l’étonnante ville d’altitude d’Andermatt (1444m) et sa vallée de l’Urseren. Là, on est à la croisée des chemins et des cols du Gotthard, de l’Oberalp et de la Furka.
Un peu plus au nord, dans les Alpes glaronnaises, on peut citer la ville de Glaris où l’assemblée générale du canton vote encore à main levée (la cérémonie a d’ailleurs eu lieu ce 7 mai). Évoquons aussi le Piz Sardona (3057m), site tectonique classé à l’Unesco. Là, les couches les plus anciennes sont… au-dessus des plus récentes… renversées par la puissance des Alpes.
Enfin, non loin de la frontière allemande, on visite les Préalpes appenzelloises. Elles sont parfois abruptes, mais franchement moins élevées et surtout plus ouvertes, notamment aux abords du Säntis, point culminant du canton (2502 m).
6/6. Enclenchée à la frontière française, notre randonnée s’achève aux confins autrichiens. Nous sommes dans mon bien-aimé canton des Grisons.
Historiquement, le canton desdits Graubünden résulte de l’alliance de trois regroupements montagnards : la Ligue grise, la Ligue des Dix-Juridictions et la Ligue de la Maison-Dieu. En bref, les Grisons sont une ligue de… ligues ! Comme rien n’est simple, on compte plus de 150 vallées dans ce canton.
(J’adore ce dédale historique et géographique qui empêche tout contrôle centralisé. Les montagnes n’ont pas moins de fous, mais elles ont le méritent de les isoler. C’était mon moment anti-jacobin).
Economiquement, à partir de la Belle Époque, les Grisons deviennent une des régions essentielles du tourisme élitaire. Thomas Mann rappelle ce temps dans La Montagne magique qui a pour cadre Davos (1564 m). C’est surtout le temps qu’a vécu Nietzsche à Sils-Maria, lieu de rédaction de son Zarathoustra.
Parmi les 150 vallées, parlons de la Haute-Engadine. A proximité du Maloja Pass et de superbes lacs (de Saint-Moritz, Sils et Silvaplana), la rivière de l’Inn commence sa descente. Petit à petit, elle rencontre des “petits fragments d’humanité” aux noms fascinants : Pontresina, Samedan, Bever, La Punt Chamues-ch, Zuoz ou S-chanf. Non loin, c’est le Val Trupchun !
Si on suivait l’Inn du doigt, on s’en irait vers l’Est et à Innsbruck, dans le Tyrol autrichien puis la plaine bavaroise et enfin Passau, où l’Inn se jette dans le Danube.
En suivant la pente des Alpes, les voyages ne s’arrêtent jamais.
Au sortir de ce texte, je suis heureux d’être parvenu à réunir en un seul article l’ensemble des Alpes suisses. Il y aura des oublis et des raccourcis, mais l’essentiel n’est pas là.
Ce que je souhaitais, c’était en finir, au moins par les mots, avec la fragmentation et l’isolement des hautes-terres. Il s’agissait de montrer la communauté de destin qui relie celles et ceux qui vivent face à la pente.
Parler des Alpes requiert un jeu d’échelles permanent, entre le respect dû aux originalités locales de telle ou telle vallée, et la nécessité impérieuse d’un discours commun pour toutes les défendre. Et là, il faut le rappeler, une défense efficace des Alpes doit reposer impérativement sur une connaissance précise de leur histoire. Pour que leur avenir ne soit pas dicté par d’autres.
L’histoire des Alpes suisses, ce sera justement l’objet de mon prochain article.
En attendant, portez-vous bien.
Séverin Duc (Profil LinkedIn).
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