Les Alpes suisses (1/5). Les connaître vraiment, par-delà les apparences
Quand on est né dans les Alpes et qu'on aime écrire, tôt ou tard, on finit par parler des Alpes suisses. Pour le plaisir, et parce que c'est utile, aussi, de connaître ses voisins.
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De tous les pays européens, la Suisse est le plus central. Pourtant, on ne fait guère attention à elle. La Suisse chemine toute en discrétion, comme un voilier sur le Pacifique. Cela vaut aussi pour ses Alpes qui recouvrent pourtant 58% de son territoire.
On sait qu’elles existent, on les aime et on en rêve, mais les connaît-on vraiment ?
A l’heure des grands défis écologiques et sociétaux, une meilleure connaissance de l’Autre est indispensable. C’est la circulation des personnes et, avec elles, des expériences qui rendront les montagnes plus vivables et mieux habitables.
Commençons donc par nous connaître. Rien qu’un peu.
1/6. On distingue trois types de pays en fonction de leur superficie alpine.
Deux sont majoritairement alpins (l’Autriche à 65% et la Suisse à 58%), trois le sont minoritairement (Slovénie 40%, France 21% et Italie 17%) et un très marginalement (Allemagne 3%).
Deux-tiers du territoire suisse sont donc fixés dans les Alpes. Pays vertical (en ajoutant le Jura aux Alpes), la Suisse n’en demeure pas moins commandée par la plaine, de Genève à Zurich en passant par Berne.
Il s’agit de se demander pourquoi.
2/6. N’occupant que 31% du territoire, le Plateau suisse concentre 80% de la population nationale.
Puissante démographiquement, la plaine détient le pouvoir fédéral (Berne) et financier (Zurich). Par conséquent, jusqu’à quel point les intérêts des montagnes suisses peuvent-ils être représentés et défendus en contre-bas ?
Disons-le clairement : plus un pouvoir est centralisé, moins les montagnes sont représentées et plus elles sont exploitées. Si le cas français ne fait pas dans la demi-mesure, le cas helvétique est plus subtil.
Voyons cela de plus près.
3/6. Du point de vue des imaginaires, les Alpes sont le cœur battant de la Confédération helvétique, sa fierté, son horizon. Rappelons ici le Réduit national établit par le général Guisan en 1940.
Politiquement, c’est un peu plus compliqué. Partons du pouvoir législatif pour y voir plus clair. Dans le système fédéral, les cantons ont toute leur place. Ils sont représentés à la Chambre haute, le Conseil des États.
Chaque canton y dispose de deux voix, et les demi-cantons d’une seule. Soit 46 membres au total. De fait, au Conseil des États, les cantons alpins (qui sont nombreux) disposent d’une forte minorité de blocage (s’ils s’unissent).
4/6. Ornant la salle du Conseil national (la Chambre basse qui émane du peuple), Le Berceau de la Confédération de Charles Giron met les Alpes à l’honneur depuis 1902. Le peintre genevois y a représenté le lac des Quatre Cantons, avec sa plaine du Grütli et le groupe des Mythen.
Les Alpes sont-elles aussi bien représentées en politique qu’en peinture ?
Dans les faits, c’est assez peu enthousiasmant. Les Alpes suisses sont faiblement représentées au Conseil national. En effet, sa composition repose sur le nombre d’habitants par canton. Avec seulement 20% de la population suisse, les Alpes sont, par définition, largement minoritaires.
D’autre part, le goût récent du pouvoir exécutif (les 7 membres du Conseil fédéral) de contourner l’expression populaire par des lois d’urgence menace plus encore la représentation des cantons alpins à l’échelon national.
5/6. Si la Suisse est un pays alpin, les Alpes ne la gouverne pas. Ce faisant, l‘échelon national n’est pas le plus judicieux pour comprendre les Alpes suisses. C’est plutôt celui du lieu (communal) et du territoire (cantonal).
Là où s’impose la verticalité du relief, on trouve des collectifs alpins en action, sur le terrain du tangible et du faisable. A ce titre, pourquoi ne pas repartir de Santa Maria Val Müstair (1375 m), un des lieux les plus excentrés de la Confédération helvétique ?
6/6. Dès lors qu’on soulève le capot des Alpes suisses, on découvre 1001 pièces d’un moteur de collection.
Pour comprendre comment elles fonctionnent, il faut mettre les mains dans le cambouis, démonter et remonter le moteur. De pièce en pièce, à force de patience, on finit par “percevoir” ce qui unit les Alpes suisses et ce qui distingue chacun des lieux qui les composent.
La connaissance des Alpes passe par une forme de tranquillité face à la complexité. Et cette patience livre un fruit délicieux : l’expérience sensible de la subtilité.
Sillonner et découvrir les Alpes suisses, ce sera l’objet de notre prochain article. On ira du côté des Alpes valaisannes, de l’Oberland bernois et des Alpes tessinoises. On naviguera aussi entre Grisons et Suisse centrale.
Le voyage sera superbe, riche en petits-mondes et en fragments d’humanité, bref dense de lieux.
En attendant, portez-vous bien.
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Les Alpes suisses, pourtant méconnues déclenchent des passions ! Merci pour cet article très intéressant !